Fin du projet exploratoire RODAM : de nouveaux algorithmes pour optimiser des pièces mécaniques d’hélicoptère

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Fin du projet exploratoire RODAM : de nouveaux algorithmes pour optimiser des pièces mécaniques d’hélicoptère

Le projet E2S* RODAM, pour Robust Optimal Design under Additive Manufacturing constraints, a pris fin en décembre 2024. Porté par Marc Dambrine, professeur des universités au Laboratoire de Mathématiques et de leurs Applications de Pau (LMAP) en partenariat avec Safran Helicopter Engines, il avait pour objectif principal de concevoir des pièces mécaniques pour hélicoptère optimisées et imprimables en 3D.

L’enjeu était de réduire le poids de composants mécaniques, permettant ainsi d’économiser du carburant, sans sacrifier à la sécurité. Il fallait donc trouver une forme de volume minimal occupant l’espace possible tout en respectant les contraintes mécaniques pour éviter l’endommagement de la pièce.

Si l’optimisation topologique est un outil intégré dans les codes commerciaux de conception de pièces depuis les années 2010, ceux-ci ne prennent pas en compte les incertitudes sur les paramètres, qui sont pourtant bien présentes. Ainsi, les vibrations ou les différences de température apparaissant en mode de fonctionnement réel de l’hélicoptère créent de nombreuses incertitudes liées aux forces exercées sur les pièces (ces forces externes pouvant déformer les pièces sont appelées « chargements » en mécanique des structures).

La nouveauté et l’intérêt du travail était de prendre en compte l’aspect incertain des chargements appliqués sur la structure dans le processus d’optimisation de celle-ci pour obtenir un design robuste vis-à-vis des chargements, la robustesse pouvant être définie comme la capacité d’un système à résister au changement sans adapter sa configuration stable initiale.

Une méthode plus économe en ressources de calcul

Cette question importante était jusqu’à présent abordée par les ingénieurs métier en travaillant avec une vingtaine des scénarios représentatifs choisis grâce à leur connaissance du système. Ils se basaient alors sur le pire des cas pour ne prendre aucun risque. Le projet RODAM a pu démontrer, sous des hypothèses raisonnables, qu’en prenant un nombre de scénarios allant vers l’infini, cette approche converge vers la solution souhaitée. Évidement plus on considère de scénarios différents, plus cela coûte cher en puissance de calcul. L’équipe RODAM a proposé une seconde méthode au cours du projet qui est beaucoup plus économe en ressource de calcul pour un même degré de précision.

L’étude “Shape optimization under a constraint on the worst case scenario” a ainsi été publiée dans l’une des meilleures revues de mathématiques appliquées dédiées au calcul, le Society for Industrial and Applied Mathematics (SIAM) Journal on Scientific Computing.

En haut la pièce d'origine, en bas la pièce après optimisation.

 En effet l’approche du « pire cas » est souvent très pessimiste car elle ne regarde que les configurations les plus défavorables, qui n’arrivent que très rarement. Imaginez jouer à un jeu de dé où vous doublez votre mise sur tout résultat autre que 1 et perdez celle-ci sur un 1. Cette approche vous dit de ne pas jouer puisque vous pouvez perdre. Mais en moyenne, on peut gagner… et on a plutôt envie de jouer.

Les chercheurs de RODAM ont ainsi considéré une distribution probabiliste des chargements. Cette approche est rendue possible par l’accès à des données de chargements effectifs dont disposent les ingénieurs. Cela a permis de considérer des contraintes du problème d’optimisation basées sur les moyennes, ou plus généralement sur les moments des critères mécaniques définis par les ingénieurs, ou même sur des notions de risque : par exemple contrôler la probabilité d’atteindre le seuil de plasticité, c’est-à-dire de déformation irréversible pouvant provoquer la casse.

L’équipe de RODAM a obtenu des résultats théoriques et démontré la faisabilité de cette approche sur des exemples semi-industriels. Le coût en ressources de calcul a aussi été étudié. Les travaux correspondants sont disponibles sur l’archive ouverte de recherche HAL et ont été soumis à des revues. S’ils ont été menés en collaboration étroite avec Safran Helicopter Engines, ils intéressent plus largement : ainsi une thèse a été soutenue devant le directeur de la recherche de Safran et un chef de projet optimisation de structures de l’éditeur de logiciels de conception 3D Ansys.

De nombreux champs d’application

Le champ d’application n’est pas restreint à l’optimisation de structures élastiques. D’autres travaux menés dans une thèse au sein du projet ont porté sur la carène optimale de bateaux (comment construire la coque pour perdre le moins d’énergie possible), ou encore sur l’homogénéisation inverse (mélange de matériaux) dans le contexte de la fabrication additive (impression 3D).

Des travaux publiés dans le Journal of Computational Physics portent sur l’optimisation de structures soumises à des vagues de chaleur incertaines ou au couplage entre un ou plusieurs écoulements de fluides avec la thermique. L’équipe a ainsi pu montrer comment isoler un tuyau de plomberie de façon optimale au niveau des coudes ou comment améliorer la forme de serpentins pour maximiser les échanges thermiques tout en contrôlant la perte de charge.

Les techniques mathématiques mises en place lors de ce projet exploratoire, qui, en France, ne se font qu’à Pau et à l’école Polytechnique, vont ainsi permettre de traiter des projets pratiques de toutes sortes.

 

L’I-SITE Energy and Environment Solutions (E2S) est un consortium de recherche associant l’UPPA, INRAE, Inria et le CNRS ayant obtenu des fonds du Programme d’Investissements d’Avenir grâce au label d’excellence universitaire I-SITE (Initiative Sciences, Innovation, Territoires, Economie).

Entre 2017 et 2024 l’I-SITE a financé un certain nombre de projets de recherche partenariaux, dont des projets « exploratoires » permettant de faire émerger des sujets innovants et de réduire des verrous technologiques.